Claude-Louis Renard (1928-2005)
J’ai eu la chance d’être mêlé, dès ma jeunesse, au monde de l’art, par passion personnelle, et au monde de l’industrie qui était celui de ma famille. Immergé dans un milieu de musiciens (ma mère était compositrice) j’avais été frappé, très jeune, par l’importance des œuvres musicales suscitées par des commandes sans lesquelles elles n’auraient vraisemblablement pas existé (Stravinsky, Bartok, Ravel, Debussy, Richard Strauss, Messiaen). Le contraste était saisissant par rapport à la situation des peintres et des sculpteurs qui séjournaient ou vivaient en France. Aucun ne bénéficiait alors d’une commande substantielle (Kandinsky, Mondrian …).
Diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques, j’entrai à la Régie Renault en 1954. Sensible aux problèmes de relations humaines, je travaillai à la Direction du Personnel et des Relations Sociales; je devins rapidement Chef de Service puis adjoint du Directeur. Ayant choisi de gagner ma vie dans un groupe industriel, j’ai pu éprouver directement, sur le tas, au sein de la plus grande entreprise française de l’époque, la réalité du fossé qui séparait drastiquement ce monde industriel et celui des artistes.
Ma femme et moi étions déjà naturellement immergés dans une partie du monde de l’art; nous étions familiers de quelques artistes et de leurs galeries et nous avions accès à un certain nombre d’ateliers. Proches d’André Malraux depuis l’adolescence, nous avions été marqués par les premières oeuvres de Fautrier et de Dubuffet avec lesquelles il vivait, et, par lui, nous avions rencontré René Drouin qui devint un ami, et qui nous présenta plus tard à Iléana Sonnabend et à Léo Castelli. De plus, nous étions très impressionnés par les grandes expositions que nous pouvions voir à l’étranger : celles organisées par Willem Sandberg et Edy de Wilde en Hollande, Knud Jensen au Louisiana et Pontus Hulten à Stockholm qui nous ont beaucoup appris. Nous avons eu la chance de rencontrer des collectionneurs privés qui suivaient au plus près l’art vivant : le Comte Panza nous avait accueillis à Milan et à Varese; Hahn à Cologne nous fit découvrir Joseph Beuys. Nous ne pouvions pas ignorer que la scène artistique était de plus en plus internationale.
Enfin, ayant travaillé à New York pour Renault en 1962 et 1963, j’avais pu découvrir les Etats-Unis avec une exceptionnelle liberté. Ce n’est pas anodin d’avoir été nourri à cette époque de Kline, Rothko et de Kooning, et d’avoir assisté aux premières expositions de Warhol ou à celle de Rauschenberg au Jewish Museum en 1963. Cela vous oblige à réagir, surtout par rapport à » l’Ecole de Paris « . Ayant, par ailleurs, été frappé par l’activité des fondations américaines soutenues par de grandes entreprises, (par exemple la Chase Manhattan Bank), j’ai réfléchi à la possibilité de transposer ce modèle en France.
Extrait d’interview de Denise René Extrait d’interview de Catherine Millet Extrait d’interview de Germain Viatte